Publié le 15 Septembre 2009



Parmi les animaux que nous nous devions de rencontrer au fil de ces pages, il en manque un. Il se tient pourtant au début du chemin qui conduit à la ferme. Impassible en apparence, impressionnant pour les uns et inquiétant pour d'autres, il attire le premier le regard. Le grand taureau blanc n'a d'ailleurs jamais été absent du cours de ces événements...

Il a ainsi négocié intelligemment avec le loup lancé à la poursuite des bergers. Usant toujours en son pré d'un pouvoir régalien, au cygne, il a cependant fait aussi l'amitié d'un regard clair et serein.

Son flegme bienveillant a épargné les écureuils, poules et oies venus d'une égale inconscience gambader dans ses pattes. Mais sa force a également appris au lion le respect... donc l'amour des luttes sans victimes, toujours plus spirituelles, et des temps de liberté d'un exil domestique.

Rares sont les serfs de par le monde dont notre endurant laboureur, hélas trop souvent débarrassé du superflu, n'a adouci la peine. Et depuis le chat à pattes de velours jusqu'au chien Fidelio, tous les humanistes le respectent.
 
A sa sagesse confrontée, notre vache un peu folle a cru se perdre de sa propre initiative de forêts magiques en foires féeriques.

Et si d'un Musso qui a des idées sur tout, il dépasse la beauté fate de mutant rasé de près, lui reste droit et inamovible : jamais un soubressaut ne mettra en péril sa souveraineté.

Last but not least, les fidèles ennemis du cygne, des actes desquels il a eu connaissance, auraient, moins sous marins, développé d'académiques palmes pour ne plus le croiser...

EPILOGUE 2

Aux dernières nouvelles, les bergers vont bien. Mais au vu d'un contrat commençant par "il était une fois" et ne stipulant pas la présence d'un loup, ils sont rentrés à Paris.
 

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Rédigé par C. Mazières

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Publié le 11 Septembre 2009



Bien des années plus tard, dans le Mercantour, un loup entra dans une bergerie. Les moutons bondirent aussitôt à l'extérieur à la manière de Parisiens fuyant les bouches du métro. Ils dormirent sous la pluie deux nuits durant avant qu'un bélier, plus sage et avancé en âge que sa troupe, ne revînt prudemment en son gîte.
Livresque, le loup l'apostropha : 
- Camarades moutons, votre langue, constitution pas maternelle pour moi, mais vous prie d'agréer abrogation hostilités...
Il avait le même accent que le cosmonaute d'Armageddon, ce qui plut au bélier : il n'aimait pas beaucoup les films récents, mais "l'homme ordinaire" joué par Bruce Willis et la fin avec Liv Tyler l'avaient ému. Et puis ce loup semblait cultivé...
- Nous, loups russes, politique différente loups de l'Ouest : longue tradition protocole avec animaux kolkhozes. Se nourrir juste régime baies et rennes forêt. Vous lire certainement belles pages rapports Levine nature dans Anna Karénine...
Cultivé mais confus, se dit le bêlier. Le loup devait faire des carences...
- Loup parachuté demande asile politique sympathisants moutons ! Ensemble, lutte contre renards de l'Ouest !
Le sage bêlier s'abstint de décrire l'état de la faune hexagonale pour ne pas blesser le loup.
Les autres moutons passèrent bientôt timidement la tête à l'intérieur et s'apitoyèrent à leur tour sur le sort de l'étrange dinosaure. Celui-ci fut donc finalement accueilli selon les usages et se montra irréprochable. Aucun des agneaux ne fit d'ailleurs non plus office de côtelettes et autres carrés : et pour cause, on était sans nouvelles des trop gentils bergers depuis plusieurs jours, et pour tout dire, depuis l'arrivée du loup...

  

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Rédigé par C. Mazières

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Publié le 6 Septembre 2009



Le chien et la chèvre possédaient plus d’un point commun. Ils apparaissaient en tout premier lieu comme les pensionnaires les plus libres de la ferme. Chacun d’eux pouvait ainsi aller et venir, errer et se nourrir à travers la campagne. Autant dire qu’ils rentraient souvent affamés de leurs pérégrinations tout en restant persuadés de leur indépendance.


Ils étaient donc également minces et alertes, et alliaient un bon sens de l’orientation à une connaissance topographique du Comtat. Ils étaient enfin assurés de finir leurs jours paisiblement, donc peu sujets au stress et à ses conséquences.


La chèvre et le chien se connaissaient, le premier se donnant parfois l’illusion de chaperonner la seconde. Mais à aucun moment le canidé n’aurait songé à mordre sa fière compagne. Pas plus que cette dernière à lui donner quelque coup de sabot. C’est ainsi disposés l’un envers l’autre qu’ils explorèrent  le pays depuis Salon jusqu'à l'Isle-sur-Sorgue.

Après avoir crapahuté parmi les oliviers, figuiers et autres falaises crayeuses, ils prirent l'habitude de se reposer à l'ombre d'un bâtiment en ruine sur lequel figurait une inscription indéchiffrable. Ils partagèrent le secret de leur découverte jusqu’au jour où le chien, sans que la chèvre y trouvât quoi que ce soit à redire, y conduisit le berger. Lui-même y emmena le maire de Cavaillon qui fit part de sa découverte à un archéologue. Ce dernier s’y rendit et rédigea un rapport qui parvint jusqu'à Aix.

On sut alors enfin le sens du texte gravé dans la pierre : une histoire de gros chien sauvage et de chèvre primaire sans cornes et frisottante, qui, s’ils l’avaient connue, ne leur aurait rien fait. Leur vie idyllique leur suffisait. Et qu’importaient les veaux, vaches, poules et autres oies, auxquels ce tourisme culturel aurait fait le plus grand bien...  


(à suivre)

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Rédigé par C. Mazières

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Publié le 2 Septembre 2009



08/04 : Je ne suis pas hostile aux révolutions par principe, mais ce qui se trame m'horrifie. Encore le persan, hier chez le vétérinaire. Il m'a adressé une oeillade, apparemment convaincu que je n'ai pas d'autre choix que d'accepter. Ai répondu par un étirement désinvolte. Je suis déjà fatigué de le croiser dans la cour (trois fois en une semaine...) mais pas question de le retrouver sur les coussins du maître.

10/04 : Le gouttière est revenu me donner un coup de patte. Sale ambiance dans l'étable : ai fait semblant de dormir pendant toute la réunion. Musso dit que sans les vaches, le fermier aura vendu avant un an. De mon côté, plusieurs plans pour liquider le cochon. A retenir : un banquet pour le 8 mai, l'ouverture d'un gîte ou faire seulement courir quelques bruits de couverts. S'inspirer du complot contre la laiterie, diviser.
Les rats acceptés dans le groupe. Ai donné l'impression d'être neutre.    

11/04 : L'ESB fait encore la une des quotidiens. Ai pris prétexte de me frotter au pull de Nikita pour surveiller son écran. Beaucoup de compta à finir. Puis quelques informations plus croustillantes. Pas intéressé habituellement par les histoires de souris, mais elles-seules m'interrogent dorénavant.

12/04 : Ai imaginé un conte : une vache encaisse les coups de bâton sans le moindre meuglement. Ses demi-soeurs les poules, elles, se la coulent douce assises à pondre toute la journée. Mais un bison s'échappe du zoo et l'enlève. Histoire idiote et il y a plus urgent. Ne pas oublier de rédiger mes mémoires, si tout cela finit bien.

18/04 : Découvert un livre d'Orwell sur la table de chevet du bobo. Un conte anthropomorphe, mais écrit à une drôle d'époque. Idée à faire valoir : dans la vraie vie, une vache produit des centaines d'hectolitres par an et ne la ramène pas. Feuilleté les pages culture du Fig Mag : aucun risque mis en évidence avec le lait. Ai laissé le dernier numéro de Téléfarma ouvert sur la table. Beau sujet sur la fête des voisins. Ne l'a pas lu, mais s'en est servi pour emballer une salade. Recommencer.

19/04 : J'ai senti que le persan avait eu un entretien avec Musso. Nouvelles consignes du mentor pour le mois qui vient : les chiens vont mordre les vaches en journée, les rats la nuit, plus des apparitions discrètes pendant la traite. Il va falloir suivre les vaches 24h/24 : risqué mais pas d'autre alternative. Fidelio très seul depuis le cambriolage : tenter une approche.

24/04 : Discours de Musso. Même baratin qu'il y a un mois : la ferme, lieu de danger par nature etc.  Ai présenté l'air de rien un topo neutre sur la compta plus quelques stats (stock d'oeufs, cours du chabichou, kilos périmés-année de caviar d'aubergine, pas plus d'un animal abattu en dix ans...) Attaqué en rentrant dans la chaufferie par le gouttière et un autre chat (le persan ?)  : nuit chez le véto. Sous collyres et bétadine.

30/04 :  Beau film hier soir : Le chat (la crème des humains a vraiment  du talent ; retrouver quand même le nom de l'acteur principal.) Me suis réveillé en meilleure forme. Je crois avoir compris le plan de Musso : plus de vaches donc de fromage, de fermier urbain, de répit pour les poules. Derrick la Course, inquiet pour sa vie, désarçonne alors malencontreusement le nouveau propriétaire. Changement de régime avec l'arrivée au pouvoir de Musso... A creuser : tous les animaux sacrifiés en connaissance de cause pour un porc deux boucs. De plus, qui nourrira le cochon et avec qui ? 

08/05 : Lu une histoire de lion dans Téléchiner. Il manque quelque-chose ou quelqu'un qui donne envie aux fermiers et autres animaux d'un peu de calme et de culture (difficile à imaginer). Passé la matinée avec mon maître devant la télévision. A craqué pour un vélo d'appartement et une poêle à manche antidérapant. Refaire les calculs. Persévérer aussi avec Fidelio : ai passé l'après-midi dans un arbre. Il doit beaucoup souffrir de son échec professionnel.

11/05 : Viens de terminer un livre sur les cockers. Conclusion : déclenchent habituellement un élan affectif chez les hommes, donc surjouer les sentiments. Ai offert un os à Fidelio. A l'avenir, ce sera "une traite surveillée, un os ; une nuit de garde, une douzaine d'os."

14/05 : A nouveau deux ou trois feuilles de choux qui en ont après les vaches : toujours trop cornues, rondes ou silencieuses... Un jour les bovins, un autre les moutons : les journalistes du Bouledogue ne sont jamais qu'une meute impitoyable.
Ai aperçu Perle en train de se laisser traire. 
La nausée vient du coeur, les affinités électives du museau (Schapenhauer).

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Rédigé par C. Mazières

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Publié le 1 Septembre 2009



Des prêtres scythes accompagnant les grandes invasions auraient amené avec eux des pigeons capables d'un vol particulier auquel les Slaves ont donné le nom de "danse des faucilles".

"Maxhayana" :  en sanskrit, la beauté existe. Telle est l'inscription que porte la représentation symbolique la plus ancienne du vol du pigeon de Nikolaïev. Une autre légende disait qu'un Nikolaïev irait un jour entier toucher les étoiles et que ce serait sa plus belle nuit....

Mais notre malheureux se nommait  Mykolaïv et pas Nikolaïev. Il avait été l'un des bouffons de quelque boyard oublié, qui, paradoxalement, ne l'avait pas oublié : Mykolaïv avait ri de ce grand seigneur aux mille chevaux. Et comme il n'était qu'un bouffon de deuxième ordre, un fils de paysan, nul n'avait ri avec lui. 

Alors, il s'était enfui. Il courait maintenant à en perdre haleine le long du grand canal creusé depuis son enfance par les prisonniers du boyard. La cavalerie était à ses trousses. A l'arrière, les chiens et l'infanterie ratissaient les fourrés. Les fées elles-mêmes semblaient pourchasser le drôle.

Mykolaïv n'avait quant à lui pour général que son esprit de bouffon de seconde catégorie et pour cavalerie que ses jambes d'équilibriste de troisième choix. Mais plus il courait vers son trop certain et en même temps par trop incertain avenir, plus ses pensées semblaient se presser en sens inverse, et il regrettait de ne pas avoir fait l'Ecole royale du rire, suivi les pas des artistes de cour, flatté l'orgueil du maître en moquant ses sujets...

Mykolaïv se réfugia chez une paysanne qui lui donna de quoi manger. Il  fut hébergé par un soldat qui monta la garde devant sa porte du coucher au lever du soleil. Il fut caché par une reine en exil qui lui offrit un diamant aussi lourd que ses regrets. Et lorsqu'il sortit au crépuscule de la maison d'un rabbin versé dans les sciences, il avait plus appris que durant toute sa vie passée.

Il ne savait plus exactement depuis combien de temps il fuyait, mais les chevaux l'avaient dépassé et Mykolaïv avait retrouvé son calme. Et comme il contemplait le paysage d'étangs et de forêts de cette contrée des bords de la Mer noire, sa respiration adopta le rythme des roseaux bercés par les vents.

Il longeait de nouveau le canal lorsqu'il entendit le tumulte de la meute. Mykolaïv se remit à courir, mais, alors même que le soleil se levait, la fatigue le gagna.  "Je suis un homme déterminé, comme ces anciens soldats que l'on rencontre dans les tavernes" se dit-il, et cette seule pensée accéléra sa course.

Étrangement, il comprit qu'il échapperait à ses poursuivants en apercevant un groupe d'oiseaux. Ceux-ci projetaient leurs ailes en avant, pareils aux chérubins de l'un des manuscrits du sage, s'élevaient vers les nuages tels les chants de la reine exilée, formaient en volant de concert à sa droite et à sa gauche comme le mur impénétrable d'une armée, mais avec une douceur et une distinction dans leur apparence qui lui évoquaient les ornements de la maison de bois de la paysanne.

Si tout cela était réel et comme écrit, alors tout était pensée, et le Grand Auteur de l'univers pourrait réinventer l'issue de son aventure avec plus d'esprit que le boyard. 

Et comme Mykolaïv avait toujours vécu en amuseur pour d'autres que lui-même, les chiens partirent soudain à la poursuite de touristiques Scythes venus récupérer leurs pigeons sacrés, les soldats aperçurent un haume gigantesque passant à vive allure dans le ciel, le boyard dut finir par reconnaître que sa servante lui avait bien annoncé une semaine auparavant avoir choisi ce jour funeste pour briquer son armure, la reine s'éprit du soldat chevaleresque, le rabbin découvrit que la paysanne était en réalité une rebbetzin, et notre bouffon put changer de métier...

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Rédigé par C. Mazières

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